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ReLRace

Couleurs humaines

Al-Jahiz et la fierté noire dans l'islam

<a href="/items/browse?advanced%5B0%5D%5Belement_id%5D=50&advanced%5B0%5D%5Btype%5D=is+exactly&advanced%5B0%5D%5Bterms%5D=Bilal+Giving+the+Call+to+Prayer+from+the+Siyer-i+Nebi">Bilal Giving the Call to Prayer from the Siyer-i Nebi</a>

Dans l’islam l’esclavage n’est licite qu’à l’encontre des populations païennes. Musulmans et peuples du Livre ne pouvaient donc y être réduits et la conversion à l’islam des esclaves était censée permettre, à leur descendance du moins, de changer de statut. L’esclavage apparaît donc comme une étape dans la transition religieuse des païens vers l’islam. Parallèlement, le système économique reposant sur la main d’œuvre servile nécessitait une expansion constante pour renouveler le stock d’esclaves. Or, si les esclaves noirs ne sont pas majoritaires au début de la conquête musulmane, la grande majorité des Noirs dans les pays majoritairement musulmans sont esclaves. Peu à peu, le terme abd désignant les esclaves noirs par opposition à mamluk pour les esclaves blancs en vient progressivement à désigner les Africains dans leur ensemble. Ainsi pour justifier de ce recours à l'esclavage des populations noires, le monde musulman bâtit des justifications soit en arguant d'une infériorité naturelle des Noirs liée au climat, soit en construisant une ascendance chamitique aux Africains et en leur associant la malédiction de l'esclavage prononcée par Noé.

Pour autant ces affirmations sont très loin de faire l'unanimité au sein du monde musulman. Il y existe au contraire un discours sur l’excellence noire dans l’islam dont le représentant le plus connu est Al Jahiz (776-869) avec son épître Faḫr al-sūdān ’alā l-bīḍān (De la supériorité des noirs sur les blancs). Le contenu de son argumentation est intéressant et repose sur plusieurs stratégies. La première consiste à revaloriser le lignage des populations africaines. Ainsi, Al Jahiz, arguant de la négritude des Egyptiens relie, via Hagar, les Arabes et le prophète Muhammad, qui prétendent en descendre, à l’Afrique. Il ajoute que le propre fils du prophète, Ibrahim, devait être noir puisque sa mère Mariam était copte, i.e. égyptienne et africaine. La seconde vise à multiplier les exemples de figures musulmanes considérées comme noires en raison de traditions leur associant une ascendance éthiopienne. Ainsi, Luqman, mentionné dans la 31e sourate du Coran, un sage de la période préislamique honoré par la tradition musulmane, est parfois considéré comme d’origine éthiopienne. De même, la tradition musulmane valorise le Négus d’Abyssinie Ashama Ibn Abjar lequel aurait correspondu avec le prophète Muhammad et se serait converti à l’islam. Enfin la figure noire la plus célèbre dans l'islam est celle de Bilal Ibn Rabah, compagnon de la première heure du prophète Muhammad, présenté comme le premier muezzin, et dont la mère est considérée comme d’origine éthiopienne. Ceci justifie de ses nombreuses représentations en homme noir, des enluminures ottomanes jusqu'au film The Message (1976).