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Chimie
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(extrait) Que l’Alchimie doive sa naissance à l’Egypte cette mère commune des Sciences, et qu’elle ait été cultivée par les hiérophantes ou prêtres de la nation ; c’est un fait qu’on avoue unanimement. En voici les preuves les plus fortes : 1°. l’étymologie la plus naturelle du mot Chimie, est tirée de celui que l’Egypte portait en langue sacrée, Chemia, selon Plutarque. Des commentateurs prétendent à la vérité qu’il faut dire Chamia, terre de Cham premier fils de Noé, qui s’établit dans cette contrée après le déluge ; et les Septante l’appellent Chami (psal. 105.) du mot Hébreu ham : mais on lit dans Bochart, que les Cophtes l’appellent encore aujourd’hui Chemi. 2°. Les écrivains les plus anciens que nous ayons sur la Chimie, sont originaires d’Egypte ; tels que Zosime de Chemnis ou Panopolis, Dioscorus, Comarius, Olimpiodore, Etienne, Sinesius, et autres dont nous parlerons ailleurs. 3°. La manière dont on a écrit de la Chimie, tota scribendi et docendi ratio, est entièrement dans le goût Egyptien ; c’est une diction tout à fait étrange et éloignée du tour ordinaire, un style énigmatique et annonçant par-tout des mystères sacrés ; ce sont des caractères hiéroglyphiques, des images bizarres, des signes ignorés, et une façon de dogmatiser tout à fait occulte : or personne ne passe pour avoir gardé plus scrupuleusement cette circonspection que les Egyptiens. Ces peuples se sont plu particulièrement à envelopper leurs connaissances dans des voiles ténébreux ; et c’est de-là qu’ils ont passé dans les ouvrages des Chimistes. L’usage des anciens auteurs de Chimie d’apostropher le lecteur comme son propre enfant, fili mi, a bien l’air de venir d’Egypte où les sciences ne se transmettaient que des pères aux enfants.
Mais quand il serait plus clairement démontré que l’Egypte a été le berceau de la Chimie, il n’en serait pas plus facîle de fixer la date de sa naissance. L’adoption générale chez tous les Chimistes, d’Hermès pour l’inventeur et le père de la Chimie, est tout à fait gratuite. L’existence même d’un Hermès Egyptien, n’est pas encore bien tirée au clair : il y a eu en Egypte dix à douze Taut, Thot, Theut, Thoyt, Thout ; pour tous ces noms, les Phéniciens n’en avaient qu’un, Taaut ; les Grecs, qu’Hermès ; ceux d’Alexandrie, que Thoor ; les Latins, que Mercure ; les Gaulois, que Teautates, qui tire son origine de l’Egyptien Taautes qui était très-évidemment Hermès ou Mercure : car selon César, Bell. gal. lib. VII. les druides des Gaulois deum maximè Mercurium colunt, hunc omnium artium autorem ferunt. Les Rabbins l’appellent Adris, les Arabes Idris, un certain Arabe Johanithon, et les Barbares (ainsi qualifiés par un Rabbin) Marcolis. Kircher sort en peine du nom d’Idris, a découvert enfin dans l’Arabe Abenephi que c’était le même qu’Osiris, que les Perses appellent Adras. Nous avons parlé plus haut d’Agothodemon.
Ce n’est rien que la confusion de ces noms, en comparaison de celle qui nait de la multiplicité des personnes auxquelles ils ont été appliqués. Sanchoniathon compte deux Taaut ou Hermès ; la plupart des anciens Mythologistes, trois ; quelques-uns quatre ; et Cïcéron cinq. Kircher observe d’après plusieurs auteurs Grecs, Juifs, et Arabes, qu’un très-ancien Hermès, qu’il regarde comme l’Enoch fils de Jared de la Genèse, s’étant illustré parmi les hommes, ceux de ses successeurs qui ambitionnèrent la réputation de réformateurs, d’inventeurs, de législateurs, etc. prirent tous son nom, et se firent appeler Hermès trois fois grand, trismegiste ; et que Zoroastre, Osiris, et d’autres, furent tentés de ce titre.
Les Chimistes se sont généreusement départis de ce premier Hermès, placé avant le déluge par ceux qui le métamorphosent en Enoch ; et après le déluge, par Sanchoniathon et quelques autres. L’auteur de l’asclepius qu’on attribue à un Mercure postérieur à cet Hermès, reconnait lui-même qu’il a eu un ayeul plus grand que lui, consilii pater, omniumque dux ; c’est cet ayeul, ce premier Hermès dont il n’était pas permis de prononcer le nom sacré, quem nefas erat nominare. Le vrai trismégiste des Chimistes n’est point cet ineffable ; ils se sont rabattus sur un des seconds Mercures, et ils ont eu beau champ à le rendre Phénicien avec Sanchoniahton, Philon, Eusebe, et M. de Fourmont ; Egyptien avec Diodore de Sicile, Strabon, Kircher, Borrichius, etc. Grec avec Cicéron, dont il sera le cinquième ou celui qui tua Argus, avec tous les Mythologistes Grecs, et la plupart des Mythologistes modernes qui en ont bien plus discouru que d’aucun autre, quoique grâce à l’habitude qu’avaient les Grecs de voler à leurs voisins leurs héros, il soit le moins réel de tous ; et enfin Latin avec la chronique d’Alexandrie : dans ce dernier cas, il s’appellera Janus. Ils ne se sont pas trouvé moins à leur aise sur les qualités dont il pouvait leur convenir de le décorer : il n’a tenu qu’à eux d’en faire un roi d’Egypte ; puis un dieu du même pays, un ministre, un conseiller intime ou sacré d’Osiris ; Osiris même, un pedagogue d’Isis, un Siphoas prince postérieur ; Chanaan très-antérieur ; Zoroastre que Kircher prend pour Cham, et Borrichius pour Misraïm, le même que le second Vulcain, le Vulcain Egyptien d’après le déluge ; Eliézer intendant d’Abraham, avec M. de Fourmont (car le Chronos ou Saturne de Sanchoniathon étant évidemment Abraham selon M. de Fourmont, il est clair que le second Mercure ou le Mercure de ce Sanchoniathon, est Eliézer (un Melchisedech roi de Salem, de la famille de Chanaan ; Jethro beau-pere de Moyse : Moyse même ; quoique Conringius dise qu’on ne fait si ce Mercure fut un homme ou un diable, ce qui met en fureur Borrichius. Quelle source de dissertations ! il y a là de quoi occuper la vie de dix mille littérateurs, et de quoi fournir un ample sujet à l’exclamation philosophique : O curas hominum ! etc. Mais les rêveries du philosophe seront-elles plus essentielles aux yeux du littérateur ? hélas, non ! Invicem præbemus crura sagittis ; et nous prétons le flanc de bonne grâce : persuadés que s’il peut y avoir quelque frivolité dans nos occupations, elles n’en seront pas moins philosophiques pour cela, pourvu que nous sachions les estimer nous-mêmes leur juste valeur. D’ailleurs la minutie de l’objet n’ôte rien à la sagacité de celui qui s’en occupe. Celui qui satisfait à une question très-obscure et très-superflue, a montré une force de génie qui est un bien absolu ; et cette considération doit passer sans doute avant celle de notre petit intérêt, dans le jugement que nous portons sur le mérite des hommes.