Cham, d'après Vigouroux

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Vigouroux, Fulcran “Cham, d'après Vigouroux”, RelRace, item créé par Mathilde Plais, dernier accès le 7 Dec. 2024.
Contributeur Mathilde Plais
Sujet Cham et les chamites
Description Entrée Cham dans le Dictionnaire de la Bible, contenant tous les noms de personnes, de lieux, de plantes, d'animaux mentionnés dans les Saintes Écritures, les questions théologiques, archéologiques, scientifiques, critiques, relatives à l'Ancien et au Nouveau Testament,... (tome 2).
Auteur Fulcran Vigouroux
Date 1895-1912
Éditeur Paris : Letouzey et Ané
Langue fr

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CHAM, un des fils de Noé, très probablement le second, puisque la Genèse le place constamment entre Sem et Japhet. Gen., v, 31; vi, 10; vu, 13; x, 1; I Par., i, 4. Voir S. Augustin, De civit. Dei, xvi, t. xu, col. 477. Plusieurs ont pensé qu'il était le plus jeune des trois, d'après Gen., IX, 24, où la Vulgate l'appelle minor; mais l'hébreu dit: « petit, » ce qui ne décide rien ; cf. dans l'hébreu, Gen., 1, 16. En tenant donc compte du rang intermédiaire qu'occupe toujours le nom de Cham, il faut entendre le minor de la Vulgate dans le sens que l'adjectif « cadet » a quelquefois en français, c'est-à-dire le second des enfants, quel que soit leur nombre.

L'écrivain sacré fait observer par deux fois que Cham était le père de Chanaan, Gen., ix, 18, 22, soit pour pré- parer ce qui va suivre, soit pour attirer l'attention des Hébreux sur l'ancêtre de ceux qui occupaient en ce mo- ment la terre promise aux enfants de Sem et d'Abra- ham. Il ne nous rapporte qu'un fait de l'histoire de Cham : c'est un trait d'odieuse irrévérence envers son père Noé , qui , après s'être laissé surprendre par le vin , était resté étendu nu dans sa tente. Cham s'empressa de sortir pour aller raconter à ses frères ce qu'il avait vu. Gen., îx, 21, 22. Noé apprit à son réveil la conduite de Cham, et il s'écria: « Maudit soit Chanaan ! Il sera à l'égard de ses frères l'esclave des esclaves, » c'est-à-dire le plus vil des esclaves. Gen., ix, 24-25. Noé donna encore plus de force à cette malédiction en conférant successi- vement à Sem et à Japhet une bénédiction spéciale, suivie d'une malédiction asservissaut Chanaan à chacun d'eux. Gen., ix, 26-27.

Les Pères et les commentateurs se sont demandé pour- quoi Noé a fait tomber cette triple malédiction non sur Cham, mais sur Chanaan, un des enfants du coupable; car c'est bien Chanaan qu'il faut lire avec l'hébreu et toutes les versions, sauf l'arabe, qui porte : « le père de Chanaan. » et quelques exemplaires des Septante, qui lisent « Charn ». Les uns estiment que Noé donna de pré- férence sa malédiction à Chanaan, parce que celui-ci,DICT. DE LA BIBLE ayant le premier aperçu son aïeul en état d'ivresse, en aurait aussitôt informé son père et aurait ainsi provoqué l'irrévérence de ce dernier. Les autres ont pensé que, n'osant pas maudire Cham, parce qu'il avait été l'objet de la bénédiction divine après le déluge, Noé jeta sa malédiction sur un de ses fils, ce qui ne devait pas d'ail- leurs être moins sensible au père, le vrai coupable. Celui- ci, du reste, se trouvait implicitement maudit dans la per- sonne de son fils, et l'on voit, en effet, un indice assez clair de cette malédiction dans ce fait, que Noé bénit nommément Sem et Japhet , tandis qu'il garda le silence sur Cham. Le premier de ces deux sentiments est fondé sur une tradition dépourvue de toute preuve historique. Le second, le plus commun, a le défaut de ne pas expli- quer pourquoi Noé maudit un seul de tous les enfants de Cham, et pourquoi Chanaan de préférence aux autres. Il faut probablement chercher cette explication dans le ca- ractère des paroles de Noé, qui étaient, d'après les Pères, une prophétie plutôt qu'une malédiction. S. Augustin, Qusest. xrn in Gènes., t. xxxiv, col. 551 ; S. Jean Chry- sostome, Hom. xxix in Gènes., t. lui, col 271. Le patriarche prédit que la race de Cham sera vouée à l'escla- vage, parce qu'elle imitera la conduite de son chef. Et pour exprimer sa prophétie d'une manière plus frappante, il se sert du nom de Chanaan, dont la signification de- vient ainsi prophétique; car Chanaan vient de kân'a, « être bas. » Cf. Jud., iv, 23. C'est un procédé littéraire fort usité dans la Bible, cf. Gen., v, 29; xli, 8, 16, 19, 22, et dont Noé se sert encore , deux versets plus loin, dans la bénédiction de Japhet. Gen., ix, 27. De même donc qu'il prédit l'expansion de la race de Japhet, « le dilaté, » ainsi prédit-il l'asservissement de la postérité de Cham, représentée par Chanaan, « le soumis ». Ajoutons que si Noé nomme ici Chanaan seul entre ses frères et de préférence à tout autre, on peut en donner cette rai- son, que l'esprit prophétique qui l'animait devait lui faire voir dans les descendants de Chanaan les premiers peut- être des Chamites sur lesquels tomberait sa malédiction, et assurément ceux qu'elle atteindrait le plus complètement. Les Chananéens devaient être asservis aux Hébreux en Palestine. Voir Chananéens et Gabaonites.

Le souvenir de Cham parait s'être conservé d'une ma- nière plus ou moins reconnaissable dans les traditions nationales de différents peuples. Voir H. Luken, Les traditions de l'humanité , Paris, 1862, t. n, liv. n, ch. m, p. 33-58; 1. 1, liv. i, ch. VI, p. 200-201. Mais la Bible ne nous dit plus rien de Cham après le récit de sa faute et de la malédiction qu'elle lui attira ; elle se tait sur la contrée qu'il habita comme sur celles que durent habiter ses deux frères. Quatre fois, il est vrai, elle appelle l'Egypte « terre de Cham ». Ps. lxxviii, 51; cv (Vulgate, civ), 23, 27, cvi (cv), 22. Mais peut-on conclure de là, comme l'ont fait quelques commentateurs, que Cham était venu se fixer en Egypte? Pour confirmer cette opinion, ils invoquent l'antériorité de la civilisation égyptienne par rapport à celle des autres contrées chamitiques, et l'appellation de Chemi, appliquée à l'Egypte dans les inscriptions des antiques monuments de la vallée du Nil. Mais il faut observer que, quand même le nom de Chemi aurait une étymologie patronymique, on n'en pourrait conclure, — non plus que de la locution biblique « terre de Cham », — que Cham habita lui-même l'Egypte; il pourrait n'y avoir dans l'une et l'autre dénomination qu'un simple souvenir de l'origine chamitique des Égyptiens, si l'on ne doit pas même interpréter d'une autre manière le nom de Cham dans les Psaumes.

Cham eut quatre fils: Chus, Mesraïm, Phuth et Cha- naan (voir ces noms). Ils s'éloignèrent avant les autres petits -fils de Noé du berceau de l'humanité renouvelée après le déluge. On peut donc dire d'une manière géné- rale que les Chamites occupèrent le midi de l'ancien continent. Mais tôt ou tard ils furent rejetés par les fils de Sem et de Japhet hors des pays où ils s'étaient fixés,ou bien, restant dans ces pays, ils y furent asservis plus ou moins complètement. La malédiction de Noé contre leur père les a suivis partout, et partout la prophétie du patriarche s'est accomplie sur eux, à cause de la cor- ruption qui accompagnait toujours leur brillante civilisation. Cf. I Par., iv, 40. Voir Gador, t. m, col. 34.

Les Chamites précédèrent les enfants de Sem et de Japhet dans les voies de la civilisation. Les plus anciens empires, à commencer par celui de Nemrod à Babylone, furent fondés par eux. Ils inventèrent l'écriture. Voir Alphabet, 1. 1, col. 402-404. Le génie inventif des enfants de Cham et leurs heureuses aptitudes se manifestèrent presque partout d'une manière frappante. Ils s'adonnèrent au commerce et à l'industrie, et l'antiquité n'offre rien de comparable à ce que réalisèrent en ce genre les Phé- niciens et les Carthaginois. Quant aux arts, les richesses recueillies à Boulaq et dans les grands musées de l'Europe disent assez à quelle perfection ils avaient été portés, principalement en Egypte. Si tous les autres peuples chamites ne furent pas aussi avancés dans les arts, il est un point du moins qui leur est commun à tous en fait d'ar- chitecture : c'est un cachet de grandeur dans le plan et de puissance dans les moyens d'exécution, qu'ils ont su imprimer sur les monuments construits par leurs archi- tectes. On a sans doute attribué aux Chamites une trop large part dans les constructions cyclopéennes de divers pays (voir La Science catholique, novembre 1892, p. 1550- 1552); mais les monuments de l'Egypte, de la Phénicie, de la Babylonie, du sud de l'Arabie, suffisent pour nous donner la plus haute idée de leur habileté comme con- structeurs et des forces qu'ils surent mettre en œuvre - pour remuer ces blocs énormes, les transporter au loin et les élever à des hauteurs prodigieuses.- Ces grands ou- vrages encore debout donnent l'idée d'une race forte, conformément à ce que l'Écriture nous dit de Nemrod. Gen., x, 8-9. Mais c'était surtout la force au service d'une civilisation toute matérielle, au sein de laquelle régnait le plus grand désordre moral. Le paganisme an- tique, dans son ensemble, a été profondément corrompu; mais , en règle générale , les Chamites l'emportent en ce point sur les autres, et leurs dieux mêmes, ainsi que leur culte, offrent un caractère d'obscénité plus révoltant que partout ailleurs. Voir Fr. Lenormant, Histoire an- cienne de l'Orient, 9 e édit., t. i, p. 279-280; E. Lefé- bure, Le Cham et l'Adam égyptiens, dans les Transac- tions of the Society of Biblieal Archœology, t. ix, 1887, p. 167-181. Et c'est ce qui explique comment, malgré leur vigueur originelle , ils ont du finir par devenir les esclaves ou les sujets des races issues de Sem ou de Japhet. Cham était un homme aux instincts luxurieux ; il les transmit avec le sarig à ses descendants, qui par leur immoralité allèrent, pour ainsi dire, au-devant de la malédiction prononcée contre Cham, parce qu'ils la méritaient aussi bien que lui. De la sorte ils travail- lèrent eux-mêmes à l'accomplissement de la prophétie de Noé , et à mesure que par la mollesse et la luxure ils arrivèrent à un degré suffisant d'énervement , ils de- vinrent tour à tour « les esclaves de Sem » ou « les esclaves de Japhet ». Gen., ix, 26, 27. E. Palis

CHAM (hébreu : Hàm; Septante : nom poétique de l'Egypte dans les Psaumes, lxxvii, 51; civ (cv), 23, 27; cv (evi), 22. Ce pays est sans doute appelé ainsi parce qu'il fut peuplé par Mesraïm, fils de Cham, Gen., x, 6, 13-14, et probablement par allusion à l'un des noms que les Égyptiens donnaient à leur pays, celui de Ketni, terre « noire ». Cf. A. Wiedemann, Sammlung altâgyptischen Wôrter, in-8", Leipzig, 1883, p. 44, 45. « Les Égyptiens, dit Plutarque (De Is. et Osir., 33, édit. Parthey, Berlin, 1850, p. 58, dont le témoignage est confirmé par les monuments, appellent l'Egypte Chemi, parce que la terre en est très noire, comme le noir de l'œil. » Voir F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6 8 édit., 1896, t. i,p. 338-339.