Hors d'oeuvre sur le mode rabelaisien

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Georges de La Fouchardière “Hors d'oeuvre sur le mode rabelaisien”, RelRace, , dernier accès le 21 Nov. 2024.
Sujet Une parodie de l'ivresse de Noé dans les années 1930
Description Dans cet article, l'humoriste Georges de La Richardière (1874-1946) parodie le passage biblique de l'ivresse de Noé et l'associe aux théories raciales sur les Aryens.
Auteur Georges de La Fouchardière
Date 1938/10/31
Éditeur Paris : L'Oeuvre, No. 8.430, 31 octobre 1938, p. 2
Langue fr

Transcription

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Il y a quelques jours, je suggérais à notre bon maître Adolf un moyen d'accroître de quelques millions
d'unités la population du Reich, non plus en annexant des territoires dont la population est
parfois récalcitrante, mais par une multiplication prodigieuse des naissances suivant un procédé renouvelé de la mythologie antique ou wagnérienne ..., (Les dents du dragon Fafner peuvent avoir la même vertu que celles plantées par le vieux Cadmus.)

Dans notre histoire sainte, la terre fut peuplée d'une façon trop naturelle (car nul croyant ne saurait
esquiver la loi liminaire d'après laquelle les petits d'hommes sont enfantés dans la douleur) par
le couple initial de l'Eden... Caïn tua À bel, et c'est une tradition qui s'est perpétuée jusqu'à nos
jours.

Mais après le Déluge, trois garçons fort dissemblables perpétuaient la race du patriarche Noè: un blanc, un jaune, un nègre, ce qui révèle chez Mme Noé une inquiétante tendance à la variété
dans la reproduction, et un regrettable éclectisme dans le choix de ses partenaires.

Lorsque Noé fut saoul, Cham rigola sans retenue, comme un bon, nègre qu'il était. Noé le maudit
avec l'exagération d'un poivrot surexcité et le condamna ci être l'esclave des esclaves de ses frères.

Sem, père de toutes les races asiatiques, subtiles et énigmatiques, s'amusa intérieurement, en s'associant extérieurement au geste pieux de son frère Japhet.

Japhet, grand Aryen blond, imperméable au sens dit ridicule, respectueux de l'autorité du papa-führer
qui avait conduit l'arche sur le mont Ararat, prit l'initiative de couvrir d'un manteau la nudité du patriarche, ce qui était au moins inutile... Car les frères voyaient ce qui se présentait à leur vue, et la maman l'avait vu depuis longtemps.

Ce furent ces trois-là qui repeuplèrent la planète en accomplissant d'une façon naturelle leur devoir conjugal. Et c'est de là que vinrent les malheurs de l'humanité, car il y eut trois races dissemblables
que divisa la haine.

Plus tard, à l'occasion d'un autre épisode de saoulographie, le patriarche Loth, avec la collaboration de ses deux propres filles, veilla à la reproduction d'une espèce qui menaçait de s'éteindre, Ce qui s'exprimne en quatre vers
fort courts:

Il but,
Il devint tendre,
Et puis il fut
Son gendre.

En une lettre très documentée, M. Robert Lefort me fait remarquer que ces précédents bibliques ne
sauraient être pris en considération par Adolf Hitler, lequel a horreur des juifs et réprouve également
les chrétiens.

D'autre part, M. Robert Lefort a calculé que la méthode mythologique, qui consisterait à semer les
dents du dragon Fafner pour donner naissance à des hommes nouveaux, ne donnerait pas des résultats
très satisfaisants quant au nombre des effectifs éventuels.

Mais il attire notre attention sur ce fait que le Déluge de la Bible ne fut pas le seul.

Dans un Déluge sans doute antérieur, et qui a l'avantage d'être d'origine païenne, la terre fut également submergée par les eaux. Deucalion et sa femme Pyrrha, à eux deux, repeuplèrent le monde
en jetant derrière eux des ossements de leur grand'mère qui est notre grand' mère à tous : les cailloux sont les ossements de la Terre.

Les dents du dragon Fafner sont en nombre limité. Mais les pierres sont innombrables en Allemagne,
et on peut les utiliser plus utilement qu'en les jetant dans le jardin du voisin.

Oserai-je faire mention, pour mémoire, d'un autre truc que suggère M. Robert Lefort, lecteur attentif de Rabelais ?

Dans le Livre II de Pantagruel (chapitre XXVII), il est expliqué « comment Pantagruel, de ses pets, engendra les petits hommes et de ses vesses les petites femmes, ce qui donna naissance à la race des Pygmées ».

Alors que le bon géant rabelaisien n'engendra de la sorte que de « petits hommes nains et contrefaits
» et a de petites femmes accropies, grands comme les queues des vaches », il est hors de doute que le nouveau héros de la nouvelle légende favoriserait par le même procédé la multiplication de grands Aryens blonds et de belles filles aux lourdes nattes et aux larges fesses.

Le chef de VAllemagne hésitera sans doute à préconiser cette méthode de repeuplement, sous prétexte qu'elle fut importée de France où la fit connaître maître Alcofribas Nasier.

Mais, malgré le souvenir de certains étripages méthodiques et périodiques, il se souviendra que
nous sommes des Francs, c'est-àdire des gens venus de l'Est, et que tout ce qui se peut faire de bien
chez nous doit être rapporté à notre vieille hérédité germanique.