Fakhr al-sūdān ‘alā l-bīḍān (De la supériorité des noirs sur les blancs)
Droits :
domaine public
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Jahiz, “Fakhr al-sūdān ‘alā l-bīḍān (De la supériorité des noirs sur les blancs)”, RelRace, item créé par Farid Bouchiba, dernier accès le 12 Nov. 2024.
Contributeur
Farid Bouchiba
Collection
Sujet
Des mérites des Noirs
Description
Le sujet de cette épître est une défense d’un groupe humain qui se caractérise par sa carnation. Même s’il est très peu question des Perses dans cette épître, il est loin d’être improbable que ces derniers en soient les destinataires. D’aucuns ont pu soutenir que ce texte aurait été rédigé uniquement en raison de l’origine noire d’un des ascendants de Jāḥiẓ (m. 254-55/868-69). Or, cet argument est partiellement réfuté dès lors que l’on sait qu’al-Jāḥiẓ a composé une épître sur les mérites des Turcs, alors qu’il n’est pas d’origine turque. Pour l’orientaliste allemand Gernot Rotter, il s’agit là uniquement d’un exercice littéraire, en arguant à partir du Livre des animaux (Kitāb al-Ḥayawān) de ce même auteur, qui dépeint des noirs de manière peu flatteuse : « les plus mauvais des hommes et les pires créatures relativement à la complexion et au tempérament ». Il est également peu probable que cette épître ait un quelconque lien avec la révolte des Zanj. D’ailleurs, lorsque Jāḥiẓ présente ces Zanj des Baṭā’iḥ (« les marais »), il le fait de façon peu flatteuse. De plus, cette révolte menée par un chef de descendance alide ne débuta pas durant la vie de Jāḥiẓ mais l’année de sa mort. De son côté, Bernard Lewis considère que c’est une parodie des écrits shu‘ūbī et il va même jusqu’à écrire que Jāḥiẓ « ne se faisait pas une très haute idée des Africains ». Toutefois, une étude minutieuse nous oblige à ne pas tenir ce texte pour pur amusement et encore moins une parodie. Si Jāḥiẓ convoque fréquemment la plaisanterie dans ses écrits, le plus souvent en vue de faire passer un message, il n’en demeure pas moins un auteur extrêmement réfléchi. La culture n’est plus un exposé théorique telle qu’on la connait selon l’ordre aristotélicien, préoccupée par des soucis d’organisation et de synthèse ; à présent, il s’agit avec Jāḥiẓ d’exalter l’esprit de curiosité, d’où l’effet de dispersion. Il faut rappeler que le Fakhr al-sūdān appartient à l’adab (« culture ») qui est un genre qui a pour but de renseigner le lecteur tout en l’amusant, en abordant une multitude de sujet sans trop approfondir ; ici l’abondance triomphe de la profondeur. Dans son Fakhr al-sūdān, qui est très sérieux, il se fait l’interprète des Noirs mêlant troisième (qālū) et première personne du pluriel (qulnā). Contrairement au procédé employé dans ses autres épîtres, il ne critique pas les arguments qu’il développe dans le Fakhr al-sūdān. Au contraire, il enrichit les arguments par des notes historiques et linguistiques et il donne clairement l’impression qu’il se sent directement impliqué par la défense d’un groupe auquel il appartient. Il s’agit de défendre les mérites et même, à l’occasion, la supériorité des Noirs.
Néanmoins, l’épître de Jāḥiẓ donne l’impression d’avoir été rédigée à la hâte, en ne citant que les arguments favorables aux Noirs, qui lui venaient à l’esprit. Or, l’énigme demeure puisque dans d’autres de ses écrits il se montre très caustique et lance des traits perçants en direction des sūdān. Malheureusement, le caractère décousu de son oeuvre ne nous permet pas d’expliquer cette différence de jugement. Il faut ajouter à cela les erreurs des copistes qui ont déplacé des passages de ses écrits d’une risāla (épître) à l’autre. De même, la reconstitution exacte de la chronologie de ses oeuvres est impossible pour le moment.
Il est en tous les cas significatif que le Fakhr al-sūdān nous soit parvenu alors que tant d’autres textes arabes sont définitivement perdus. Il est probable que cette apologie, fusse-t-elle imparfaite, et en dépit de ce que pensait vraiment Jāḥiẓ, ait offert aux musulmans noirs durant des siècles un sujet de satisfaction et un réconfort, parce que signé par le plus grand prosateur arabe.
Au total, le Fakhr al-sūdān ressemble sous certains aspects aux épîtres sur la shu‘ūbiyya et sur le fakhr (« jactance ») et il s’agit surtout de célébrer les Noirs en les classant dans l’arabité et également en rejetant les préjugés raciaux. En définitive, ce qui importe surtout à al-Jāḥiẓ est d’incorporer les Noirs dans la société arabo-musulmane de son époque (9e siècle), de la même façon que les Turcs, par exemple. Et ce qui est certain est que Jāḥiẓ, qui pouvait s’enorgueillir d’être pétri comme personne d’arabité, ne désavoua jamais son origine noire.
Néanmoins, l’épître de Jāḥiẓ donne l’impression d’avoir été rédigée à la hâte, en ne citant que les arguments favorables aux Noirs, qui lui venaient à l’esprit. Or, l’énigme demeure puisque dans d’autres de ses écrits il se montre très caustique et lance des traits perçants en direction des sūdān. Malheureusement, le caractère décousu de son oeuvre ne nous permet pas d’expliquer cette différence de jugement. Il faut ajouter à cela les erreurs des copistes qui ont déplacé des passages de ses écrits d’une risāla (épître) à l’autre. De même, la reconstitution exacte de la chronologie de ses oeuvres est impossible pour le moment.
Il est en tous les cas significatif que le Fakhr al-sūdān nous soit parvenu alors que tant d’autres textes arabes sont définitivement perdus. Il est probable que cette apologie, fusse-t-elle imparfaite, et en dépit de ce que pensait vraiment Jāḥiẓ, ait offert aux musulmans noirs durant des siècles un sujet de satisfaction et un réconfort, parce que signé par le plus grand prosateur arabe.
Au total, le Fakhr al-sūdān ressemble sous certains aspects aux épîtres sur la shu‘ūbiyya et sur le fakhr (« jactance ») et il s’agit surtout de célébrer les Noirs en les classant dans l’arabité et également en rejetant les préjugés raciaux. En définitive, ce qui importe surtout à al-Jāḥiẓ est d’incorporer les Noirs dans la société arabo-musulmane de son époque (9e siècle), de la même façon que les Turcs, par exemple. Et ce qui est certain est que Jāḥiẓ, qui pouvait s’enorgueillir d’être pétri comme personne d’arabité, ne désavoua jamais son origine noire.
Auteur
Jahiz
Date
IIIe/IXe siècle
Éditeur
Rasā’il al-Jāḥiẓ, Le Caire, Maktabat al-Khanjī, 1964, I p. 177-226.
Langue
ar